Retour sur les événements du 13 novembre et l’état d’urgence.

Chahut est une association dont les objets sont multiples :
Créer des événements festifs afin d’apporter de la convivialité et de la surprise dans le quotidien. Susciter le questionnement chez les habitant-e-s de Rennes à propos de leur environnement, leur quotidien, leurs habitudes, leurs rêves. Et enfin proposer un appui de service et de matériel afin de soutenir l’action collective. Par cela nous souhaitons réaliser une rencontre entre démarche politique et artistique afin de les mettre en résonance.
Comme chacun-e, nous avons d’abord été choqué-e-s, atterré-e-s par ce drame survenu le soir du 13 novembre .Nos pensées se sont d’abord tournées vers les victimes, leurs familles et leurs amis. Il nous est apparu nécessaire de prendre un temps de recul, de discussion afin de ne pas rester dans l’affect et comprendre pourquoi une telle violence s’était déversée aux terrasses des cafés parisiens.

Pendant ce temps, notre gouvernement déclarait l’état d’urgence, réduisant ainsi nos possibilités de déplacement, de regroupement, de parole. Ce texte, nous l’écrivons pour deux raisons : tout d’abord, ces mesures sécuritaires nous impactent et nous limitent dans notre action. Deuxièmement, il nous semble être de la responsabilité de toute action collective et démocratique de se positionner dans cette époque de choc et d’amalgame. Ce texte, ce n’est pas une recette ou un appel à suivre tel ou tel mot d’ordre. Ce texte, c’est une invitation pour chacun-e à se responsabiliser et à prendre part selon ses moyens à la vie de la cité, à se positionner contre les amalgames et le contrôle de nos vies. Nous n’ écrivons pas pour rejoindre ce mouvement de deuil national vendu par nos dirigeant-e-s et servi par les grands médias. Est-il possible d’exprimer sincèrement un deuil qui soit national, unitaire? Le deuil n’est-il pas un sentiment propre à chacun-e? Quand il devient national, ne devient-il pas l’ instrument de celui ou celle qui le déclare?

Aujourd’hui, l’état d’urgence imposé par notre gouvernement atteste de l’instrumentalisation de ces sentiments que nous avons éprouvés. Il légitime les agissements de la police des ces deux dernières semaines : perquisitions arbitraires, interdictions de manifester, assignations à résidence de militants écologistes… Toutes ces actions représentent le glissement de notre gouvernement vers la mise en place d’un état policier et la mise à mort de la présomption d’innocence. Pour nous, tendre vers un fascisme d’état pour lutter contre un fascisme religieux est insupportable et inadmissible. Cette dérive sécuritaire ne tombe pas du ciel, elle est amorcée depuis longtemps et fait déjà rage dans les banlieues. Cela s’accompagne de coupes budgétaires dans les milieux associatifs, dans l’éducation nationale, dans le secteur médico-social…

Si en France, le pouvoir muselle tout mouvement de contestation, à l’étranger, il poursuit sa quête de revanche. La guerre au terrorisme ne prend absolument pas acte du fiasco de la politique étrangère française et pousse notre état vers des alliances, plus ou moins assumées, avec des dictatures, plus ou moins grossières. Oui la France est en guerre, mais ce n’est pas nouveau : la guerre, c’est le gagne pain de notre état. Les vente d’armes record de cette année en sont la preuve (plus de 18 millions d’euros de ventes à l’étranger, contre environ 8 millions en 2014, ainsi que environ 10 millions en France). Si nous armons ceux qui s’entre-tuent, nous participons aussi à des opérations militaires à travers le monde afin de garantir nos intérêts économiques, et ceux de nos grandes entreprises. En multipliant les efforts pour maintenir notre économie sur les rails, nous fabriquons le berceau de ce même terrorisme qui nous attaque. Afin de garder le prix du baril abordable, nous semons haine et désespoir. Ainsi nous continuerons à pousser des jeunes gens dans le giron du djihadisme, en créant de la misère sociale tant en France, qu’en Lybie, au Mali, en Irak ou en Syrie. Car c’est bien sur cette misère sociale (et donc culturelle) que s’appuie Daesh pour recruter de nouveaux membres. Il n’y a pas de « choc des civilisations », cette marionnette qu’agitent les « politiques » et qui n’a qu’un seul but : repeindre d’islamophobie notre quotidien afin de créer un ennemi commun et légitimer son intervention au moyen-orient.

Si nos gouvernant-e-s ne sont plus en mesure de préserver notre démocratie parce qu’il-elle-s partent en croisade, c’est à chacun d’entre nous de se mettre en action. Et pour cela, les moyens sont multiples et complémentaires. Préserver notre démocratie c’est déjà s’informer, pour tenter de comprendre les tenants et aboutissant de ces guerres. C’est aussi se rassembler, parler, échanger points de vue et idées contradictoires pour faire vivre le débat dans notre société. C’est s’organiser à plusieurs afin de lutter contre la précarité, la stigmatisation de la pauvreté, la privatisation de notre espace public, le racisme, le sexisme et toutes formes d’oppression.
C’est pourquoi, Chahut continuera à faire vivre de la convivialité et du débat dans notre quotidien et nos espace de vie. Nous soutenons toutes initiatives se battant pour la préservations de nos droits et libertés. La pulsation de nos cœur ne s’accorde pas au rythme des bottes mais au chahut discordant des amplis, des rires et des éclats de voix.